CONTES ET PARABOLES DE SAGESSE DU BOUDDHISME

 

Jean VERNETTE

Presses de la Renaissance

 

LA VOIE DE L’INTERIORITE

C’est l’ignorance de l’Essentiel

Qui fait notre pauvreté et notre misère.

Le Bouddha a révélé cet Essentiel

Qui est en nous.

 

Le diamant caché

A la fin d’un repas copieusement arrosé, l’un des convives sombra dans le sommeil. Le maître de céans, qui était son ami de cœur et avait décelé à l’état de son habit la précarité dans laquelle il était tombé, lui coud alors dans l’ourlet de son vêtement un diamant de la plus grande valeur.

Les jours et les mois passent. La précarité de notre homme devient pauvreté extrême, puis misère irréversible. Il est réduit à disputer aux chiens dans la rue des reliefs de nourriture. Or son ami vient à passer dans cette ville. Son cœur est bouleversé, à le voir dans une telle déchéance. Il l’interpelle affectueusement : « Voyons, ami… tu portes pourtant une fortune sur toi ! Tu ne t’en étais pas rendu compte ? Découds seulement l’ourlet du bas de ton vêtement ! »

Une fois la doublure prestement décousue, le joyau apparaît, brillant de mille feux. « Stupide que j’étais ! J’avais sur moi un trésor, et je ne le savais pas ! » s’exclame le pauvre homme.

Nous avons-nous aussi, secrètement cachée, une fortune ; la divinité dont nous a secrètement gratifiés l’Ami divin. Cachée au plus profond de notre être brille l’étincelle du Dieu cosmique. Et nous vivons comme si nous ne le savions pas…

 

(Parabole du bouddhisme Theravada

dans la ligne de la tradition de l’hindouisme)

 

Mon âme, tel un cheval, vole comme le vent…

 

Le cheval qu’est mon âme vole comme le vent.

Si je l’arrête, avec quel lasso l’arrêterai-je ?

Si je l’attache, avec quel piquet l’attacherai-je ?

Si je l’arrête, ce sera au pieu de la méditation profonde.

Il portera dans le dos le bouclier de l’endurance.

Il tiendra la lance de la contemplation.

L’épée de la sagesse sera fixée à son côté.

S’il galope, il galopera dans les plaines de la félicité immense…

 

(Milarepa, maître spirituel

du bouddhisme tibétain, XIème siècle.)

 

 

L’intérieur et l’extérieur

 

Manjusri, le bodhisattva de la sagesse, se trouvait à l’extérieur d’un temple. De l’intérieur, Bouddha le héla :

« Eh, Manjusri ! Pourquoi n’entres-tu pas ? »

Manjusri répondit :

« Pourquoi entrer ? Je n’ai pas l’impression d’être dehors. »

 

 

SOYEZ VOTRE PROPRE LUMIERE…

Paroles du Bouddha

 

« Tous les composés sont éphémères, soyez votre propre lumière. » Telles furent, selon les textes, les ultimes paroles du Bouddha à quatre-vingts ans.

Son disciple préféré, Ananda, lui demande quelles directives il souhaite laisser à la communauté. Il répond :

« Après ma mort, soyez à vous-même votre propre île, votre propre refuge. N’ayez point d’autre refuge. »

 

(Digha- Nikaya)

 

Et encore…

 

« Soyez à vous-même, ô Ananda, votre propre flambeau et votre propre recours, ne cherchez pas d’autre recours. Que la vérité soit votre flambeau et votre recours, ne cherchez pas d’autre recours… Celui qui, dès ce moment, ô Ananda, ou après ma sortie de ce monde, sera son propre flambeau et son propre recours et ne cherchera pas d’autre recours, celui qui fait de la vérité son flambeau et son recours et ne cherchera pas d’autre recours, tous ceux-là seront désormais, ô Ananda, mes vrais disciples, qui poursuivent la bonne manière de vivre. »

 

(In Paroles du Bouddha)

 

« Si tu vois le Bouddha sur ta route, tue-le. », dit un dicton bouddhiste. Parce que chacun doit trouver son propre chemin, d’après les enseignements du Maître.

 

 

On demandait au Bouddha :

« Y a-t-il une différence entre la Connaissance et l’Illumination ?

--Si tu as la Connaissance, tu l’utilises comme une lampe pour montrer le chemin, répondit-il. Si tu es illuminé, tu deviens toi-même lampe. »

 

 

GERER SES EMOTIONS ET LACHER PRISE

 

Apaisez-vous dans l’état naturel d’être.

Pourquoi s’efforcer de nouer des liens au ciel ?

D’abord serrez sans serrer

Puis relâchez sans relâcher

Ne vous cramponnez à rien ;

Laissez aller, comme cela va

Et restez tranquille, comme vous êtes.

 

(Ecole Chöd ; du bouddhisme tibétain)

 

Laissez reposer dans la grande paix naturelle

Cet esprit épuisé, abattu sans relâche

Par le karma et les pensées névrotiques

Semblables à la fureur implacable

Des vagues qui déferlent

Dans l’océan infini du samsara.

 

(Nyoshul Khenpo Rinpoché,

Bouddhisme Vajrayana)

 

Comme un arc-en-ciel

 

Le bonheur ne se trouve pas avec beaucoup d’effort et de volonté,

Mais réside là, tout près,

Ne t’inquiète pas, il n’y a rien à faire.

Tout ce qui élève dans l’esprit

N’a aucune importance

Parce que n’a aucune réalité.

Ne t’y attache pas. Ne te juge pas.

Laisse le jeu se faire tout seul,

S’élever et retomber, sans rien changer,

Et tout s’évanouit, et recommence à nouveau, sans cesse.

Seule cette recherche du bonheur nous empêche

De le voir.

C’est comme l’arc-en-ciel

Que l’on poursuit sans jamais le rattraper.

Parce qu’il n’existe pas, et a toujours été là,

Et t’accompagne à chaque instant.

Ne crois pas à la réalité des expériences bonnes

Ou mauvaises,

Elles sont comme des arcs-en-ciel.

A vouloir saisir l’insaisissable, on s’épuise en vain.

Dès lors qu’on relâche cette saisie,

L’espace est là, ouvert, hospitalier et confortable.

Alors profites-en. Tout est à toi, déjà. Ne cherche plus.

Ne va pas chercher dans la jungle inextricable

L’éléphant qui est tranquillement à la maison.

Rien à faire.

Rien à forcer.

Rien à vouloir.

Et tout se fait tout seul.

 

(Lama Guendun Rinpoché,

De la tradition Gampopa du bouddhisme tibétain)

 

 

Il n’y a personne qui soit né sous une mauvaise étoile.

Il n’y a que des gens qui ne savent pas lire le ciel.

 

(Le dalaï-lama)

 

 

CONCORDE ET TOLERANCE

 

Le roi Asoka (268-233 av. J.-C.) avait usé de la violence pour conquérir maints pays d’Extrême-Orient. Un jour, il rencontra un moine bouddhiste. Il se convertit alors radicalement. Du coup, il publia plusieurs édits pour gouverner son empire selon les principes bouddhistes, dont ce douzième édit, sur la tolérance religieuse, qu’il fit graver sur un rocher

 

L’édit d’Asoka

 

« On ne devrait pas honorer seulement sa propre religion et condamner les religions des autres, mais on devrait honorer les religions des autres pour cette raison-ci ou pour cette raison –là. En agissant ainsi, on aide à grandir sa propre religion et l’on rend aussi service à celle des autres. En agissant autrement, on creuse la tombe de sa propre religion et l’on fait aussi du mal aux religions des autres. Quiconque honore sa propre religion et condamne les religions des autres le fait bien entendu par dévotion à sa propre religion, en pensant : «  Je glorifierai ma propre religion. » Mais au contraire, en agissant ainsi, il nuit gravement à sa propre religion. Ainsi la concorde est bonne : que tous écoutent et veuillent bien écouter les doctrines des autres religions.»

 

 

A vouloir d’ailleurs exclure de sa prière les autres Voies et les autres serviteurs du Très –Haut, on risque fort d’enlaidir Sa face !

L’encens de mon Bouddha

 

Un moine pieux vénérait tout particulièrement une statue du Bouddha, de son Bouddha, le Bouddha de la Compassion. Chaque matin, il lui apportait les fleurs, la lumière, les offrandes, et faisait brûler devant lui l’encens odorant. Or il fut appelé à quitter son monastère pour rejoindre le monastère d’une autre école. Nombreuses étaient les statues du Bouddha déjà en place dans le temple. Il disposa bien soigneusement la sienne au lieu que le maître lui avait indiqué. Mais, afin d’éviter que le parfum de son encens n’allât vers un autre bouddha, il installa une cheminée au –dessus de son brûle –parfum : ainsi la fumée ne montait que vers sa propre statue. Et le visage du Bouddha devint bien vite tout noir et fort laid…

 

 

La Voie de la Sagesse…

 

« Les choses sont précédées par l’esprit, dominées par l’esprit, constituées par l’esprit. Si, avec un esprit corrompu, on parle ou on agit, la douleur nous suit alors comme la roue suit la patte d’un bœuf de trait.

« Les choses sont précédées par l’esprit, dominées par l’esprit, constituées par l’esprit. Si, avec un esprit serein, on parle ou on agit, le bonheur nous suit alors comme l’ombre qui ne nous quitte pas. »

 

(Premières phrases du Bouddha

dans le Dharmapada)